À cette occasion, le ministre, commissaire à la sécurité alimentaire, Redouwane AG MOHAMED ALI, donne des précisions sur cet événement et son importance pour nos populations
L’Essor : monsieur le ministre, commissaire, qu’elle est la portée de cet événement ?
Redouwane Ag Mohamed Ali : Chaque année, le chef de l’État donne le coup d’envoi des activités de réponses à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle dans notre pays à travers la cérémonie officielle de lancement du Plan national de réponses 2023. Il s’agit d’un événement majeur pour tous les acteurs de la sécurité alimentaire de notre pays (l’État et ses partenaires), car elle marque le coup d’envoi de leurs activités sur toute l’étendue du territoire nationale. Cette année, c’est la Région de Ségou qui abritera l’événement. Cependant, le lancement du PNR 2023 sera couplé à d’autres activités importantes notamment le lancement des travaux de construction et de bitumage de la route Banankoro-Dioro et au redémarrage des activités de production de la Comatex-SA.
Il s’agit donc d’une série d’activités cumulées qui contribueront à l’amélioration des conditions de vie de nos compatriotes. Ce qui constitue une priorité du président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, qui réaffirme ainsi son engagement constant aux côtés de ses compatriotes pour renforcer leur bien-être et raviver leur espoir.
L’Essor : Le lancement officiel du Plan national de réponses à l’insécurité alimentaire est, sans doute, l’activité majeure de cette journée marathon. En la matière, comment se présente la situation alimentaire et nutritionnelle du pays au sortir de la campagne agricole 2022-2023 ?
Redouwane Ag Mohamed Ali : Disons que la situation est difficile, mais elle est moindre par rapport à l’année passée. Il faut rappeler que c’est chaque année, à la sortie de la campagne agricole que le Commissariat à la sécurité alimentaire (CSA) à travers le Système d’alerte précoce (Sap) fait des évaluations qui permettent d’analyser la situation alimentaire du pays, d’identifier les personnes et les zones vulnérables, de déterminer les facteurs ainsi que le niveau de cette vulnérabilité. Le CSA donne également une estimation de la situation alimentaire du pays sur le reste de l’année. Pour cette année, près 1,2 millions de personnes ont été identifiées sur l’ensemble du territoire national comme étant en insécurité alimentaire dont la majorité se concentrent dans les Région du centre du pays ainsi que dans les Régions de Gao et Ménaka.
L’Essor : De nombreux facteurs contribuent à la crise actuelle en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle notamment l’insécurité civile, les poches de sécheresse par endroit, les inondations, les impacts du changement climatique et les conséquences des sanctions imposées à notre pays par les organisations de la sous-région. La combinaison de ces nombreux facteurs a-t-elle eu des répercussions sur l’état nutritionnel de nos compatriotes si oui ? Combien sont menacés au titre de cette année ?
Redouwane Ag Mohamed Ali : La première cause de l’insécurité alimentaire est le changement climatique qui touche le Sahel de plein fouet depuis déjà assez longtemps. À cette situation structurelle s’est ajoutée l’insécurité civile. à cette forme d’insécurité, s’est greffée une campagne agricole 2022-2023 contrariée dans certaines zones par des poches de sécheresse récurrente notamment au Sahel occidental mais elle est jugée bonne à moyenne dans l’ensemble.
Cependant, il ne faut pas oublier les facteurs exogènes telles que l’inflation internationale sur les produits de première nécessité à cause de la crise ukrainienne, de même que les conséquences socioéconomiques de la Covid 19 et des sanctions économiques de l’Uemoa et de la Cedeao à l’encontre de notre pays. Les effets combinés de ces crises continuent d’affecter négativement l’économie globale du pays à travers la baisse du niveau des activités économiques, des flux commerciaux, engendrant une inflation sur les produits alimentaires et non alimentaires.
Cette situation a touché 1,2 million de personnes pour lesquelles l’État et ses partenaires se mobiliseront pour les soutenir dans le cadre du Plan national de réponse 2023. Aussi, plus de 4 millions de nos compatriotes seront dans l’insécurité alimentaire modérée et auront besoins d’être soutenues pour la restauration de leur capital productif. Parmi eux, ce sont près de deux millions de femmes enceintes ou allaitantes et d’enfants qui auront besoin de mesures spécifiques pour améliorer leur niveau nutritionnel.
L’Essor : De 1 million 800 personnes l’année dernière à 1,2 million de personnes, le nombre de personnes en difficulté alimentaire semble en baisse cette année. Alors est-ce à dire que les réponses apportées ont été efficaces ou bien ce sont les facteurs agravants de l’insécurité alimentaire qui se sont estompés ?
Redouwane Ag Mohamed Ali : Effectivement, cette année, nous constatons une baisse du niveau de l’insécurité dans notre pays. Bien sûr que les réponses apportées ont été efficaces, mais il y a surtout la campagne agricole qui a été bonne à moyenne grâce à la bonne pluviométrie. Il faut noter également les efforts du gouvernement dans le renforcement de la sécurité dans certaines zones de production agricole et un approvisionnement correct et adéquat du pays malgré l’inflation sur le marché international des produits de première nécessité.
L’Essor : Le Plan national de réponses à l’insécurité alimentaire au titre de l’année 2023 a été adopté par le Conseil national de la sécurité alimentaire présidé par le Premier ministre. Peut-on parler des activités majeures de ce PNR et quelles sont ses articulations entre différentes parties prenantes : la contribution de l’État, des Partenaires techniques et financiers ?
Redouwane Ag Mohamed Ali : Le PNR comporte des actions d’urgence qui consistent à assister à travers des distributions alimentaires gratuites d’urgence nos compatriotes en crise alimentaire. Cela est mis en œuvre par l’État en premier lieu et complétés par les partenaires particulièrement le Programme alimentaire mondiale et les ONGs. Cette année, le Commissariat à la sécurité alimentaire et ses partenaires apporteront de manière conjointe leur assistance aux 1.246.406 compatriotes vulnérables.
Il s’agira donc pour l’État d’apporter de l’assistance alimentaire de 30.010 tonnes de céréales aux 1,2 million de personnes vulnérables ; de faire des distributions ponctuelles d’urgence de 2.000 tonnes de céréales ; de procéder à des ventes d’intervention de 15.000 tonnes de céréales et de renforcer les moyens d’existence et la capacité de résilience en mettant en place des boutiques témoins au niveau de certaines communes du District de Bamako. En outre, l’apport des partenaires techniques et financiers et des organismes intervenant dans le domaine de la sécurité alimentaire est aussi fortement attendu pour apporter une réponse adéquate et coordonnée à cette situation.
Nous allons également renforcer les moyens d’existence et la capacité de résilience de certaines zones à travers la mise en place à titre expérimental de boutiques témoins au niveau de certaines communes du District de Bamako. Quant aux partenaires, ils apporteront des compléments à ces personnes en insécurité alimentaire aigue (phase 3 à pire) et appuieront le renforcement des moyens d’existence de près de 2 millions de personnes, à travers les activités d’agriculture, de maraîchage, d’élevage, de pêche, d’aquaculture, de restauration des actifs productifs et les activités génératrices de revenus.
L’Essor : Le développement des activités de résilience et de relèvement des populations par rapport aux distributions alimentaires gratuites dont l’efficacité est plus perceptible dans la durée est une demande forte de certains acteurs de la sécurité alimentaire ? Qu’en pensez-vous ?
Redouwane Ag Mohamed Ali: Effectivement, cela a été une recommandation forte de cette 19ème session du Conseil national de la sécurité alimentaire. Heureusement, le Commissariat à la sécurité alimentaire, était déjà dans cette dynamique. L’année dernière par exemple, grâce à la compensation de la mutuelle panafricaine de gestion des risques de l’Union africaine, nous avons conduit plusieurs actions allant dans le sens de l’appui au renforcement des moyens d’existence des populations des zones à risques de sécheresse.
C’est ainsi que des puits pastoraux, des forages multifonctionnels, des périmètres maraîchers et des kits et semences ont été réalisés ou réhabilités. Ces actions ont permis aux populations d’entreprendre ou de renforcer leurs productions et de se mettre à l’abri de la menace d’insécurité alimentaire et nutritionnelle qui pesait sur elle. Le Commissariat met en œuvre également des projets qui soutiennent le relèvement et la résilience des populations avec l’appui de certains partenaires bilatéraux comme l’Italie et la Suisse.
En outre, dans la Région de Kayes, le projet l’Initiative présidentielle «Brigade verte pour l’emploi et l’environnement», a aménagé un périmètre multifonctionnel de 110 hectares pour le développement de l’agroforestier, du maraîchage et de développement de nouvelles filières agroalimentaires et agro-forestières, un boulevard d’opportunités pour la jeunesse de la 1ère région. C’est une démarche que nous souhaitons maintenir parce que ces expériences, nous ont permis de mesurer combien il est important d’entreprendre de renforcer les moyens d’existence de nos compatriotes qui pourront se passer progressivement des distributions alimentaires gratuites.
L’Essor : Alors, un Plan de réponses, c’est aussi une programmation financière, est-ce que, vous avez pu mobiliser aujourd’hui, le fonds nécessaire à la mise en œuvre de cet ambitieux plan ?
Redouwane Ag Mohamed Ali : Cette question m’amène à rendre un hommage mérité à nos autorités particulièrement le président de la Transition, chef de l’État, le colonel Assimi Goita, le Premier ministre et le gouvernement qui malgré les pressions diverses sur les finances publiques, ont mis la sécurité alimentaire et nutritionnelle au cœur des priorités du pays. Le tournant majeure cette année est la reconstitution des stocks de souveraineté.
Depuis plusieurs années, ces stocks n’avaient plus jamais existé et exposaient le pays en cas de choc majeur ou de catastrophe demandant des réactions rapides. Ces stocks seront reconstitués à hauteur de près de 90.000 tonnes de céréales. Pour revenir à votre question, le PNR 2023 coûtera pour le gouvernement 41.983 050 de Fcfa.
L’Essor : Un dernier mot ?
Redouwane Ag Mohamed Ali : Le dernier mot serait sans doute un appel aux populations de Ségou, de sortir massivement pour réserver un accueil des grands jours au président de la Transition. Le bitume du tronçon Banakoroni-Dioro est une forte attente des populations de la zone depuis plus de 50 ans. Cette zone est un véritable bastion céréalier du pays. Cette réalisation permettra de contribuer au développement socio-économique des localités traversées, de faciliter le déplacement des populations et de leurs biens en toute saison ainsi que de renforcer la sécurité routière.
La relance des activités de la Comatex aussi, comme nous le savons tous, est une question de souveraineté. Cette entreprise industrielle a joué un grand rôle dans le développement socioéconomique de la région et au-delà de tout le pays. Sa relance aujourd’hui marque la détermination des autorités de la Transition à reprendre en main, nos unités industrielles en cessation de production.
Quant au Plan national de réponse à l’insécurité alimentaire, il permettra au Commissariat à la sécurité alimentaire et ses partenaires d’assister 88.000 personnes en difficulté alimentaire dans la Région de Ségou à travers la distribution gratuitement de 2.376 tonnes de céréales et 25.556 personnes dans la Région de San pour 690 tonnes de céréales.
Je profite surtout cette occasion pour remercie l’Essor pour son accompagnement constant et surtout l’intérêt accordé aux questions de sécurité alimentaire et nutritionnelle. La sécurité alimentaire est une question vitale pour notre pays, mobilisons-nous pour accompagner nos compatriotes en difficultés alimentaires.
Propos recueillis par
Cheick Moctar TRAORE
L’ESSOR – MALI